Je n'irai pas voter dimanche prochain. Je ne pourrai pas appliquer mon droit de vote et faire mon devoir de citoyen parce que je ne me suis pas inscrit à temps au consulat de mon pays d'accueil...
Tant pis pour ma voix, elle ne s'exprimera pas dans le vote ; il me reste toujours ma page de blog pour se faire entendre.
Certes bien loin des remous de baignoire de la campagne présidentielle française, les expatriés ici suivent les événements, internet aidant beaucoup. Je les ai suivi comme eux, avec une déception croissante.
J'avais l'espoir que la fin d'un quinquennat marque l'heure d'un bilan, de nouvelles orientations, d'une nouvelle vision politique pour les prochaines années. "Le monde bouge" parce que nous le faisons bouger, nous faisons voyager l'information. Tout s'échange, tout se partage : le bonheur, les richesses et les crises. Je pensais que le rôle des hommes politiques c'était de proposer une direction à ces mouvements, pas pour qu'on y aille tous ensemble comme une armée de clones, mais au moins qu'on aille tous vers un idéal dont la prochaine génération pourrait être fière.
Au lieu de cela, on assiste à des débats de place de village, sans envergure aucune. La crise justifie le piétinement des idéaux au profit de promesses mesquines. J'ai l'impression de devoir choisir entre une réduction d'impôt de 100€ ou 2 jours de RTT supplémentaires. Adoucir son quotidien, ça réconforte, mais si nous n'en parlons pas maintenant, quand nous occuperons-nous de nos idéaux ? Quand les autres s'en seront occupés à notre place ? Et qu'on s’enorgueillira de descendre dans la rue pour les défendre, en criant à l'infamie ?
Je vous accorde qu'il est particulièrement difficile d'élever des débats si creux, mité par l'hypocrisie des partis. Les représentants des "grands" partis sont tellement faux qu'ils sont incapables de la moindre concession. Est-ce cela la politique ? Être incapable de reconnaître son erreur, incapable d'admettre que l'autre a de bonnes propositions ? Feindre l'incrédulité pour mieux fustiger ?
Être raisonnable, être ouvert, ne font plus partie des qualité requises du politicien de façade. Politicien : lorsque vous portez des masques, nous sommes au théâtre, pas dans la réalité.
Parmi tous ces saltimbanques, le choix est difficile :
Aux extrêmes, on trouve des soumis apeurés par ce qu'ils ne connaissent pas. Chaque extrême a sa technique de défense :
- L'extrême droite, effrayée par le monde extérieur, veut se construire un château fort avec un immense drapeau tricolore au sommet et ignorer le monde. Je propose un billet pour la Corée du Nord à tous les militants extrémistes. L'aller simple suffira.
- À gauche, on est menacé par le Grand Capital, dont on ne comprend rien et dont on ne veut rien savoir. Ces tentacules nous accule tellement qu'il vaudrait mieux tout renverser plutôt que d'apprendre et de construire des accords.
- Et entre les deux extrêmes, la place est étroite mais on y trouve une belle variété de spécimens identiques :
- Un peu moins à droite du château fort, on n'aime pas l'idée du château fort, mais on garde l'idée du drapeau. On a qu'à laisser tout ouvert, mais en plantant des drapeaux partout. Parce qu'avec des drapeaux, on est vachement plus forts.
- En symétrique par rapport au point mort, on veut pas tout renverser, parce qu'il y a des bonnes choses sur la table. Mais on veut quand même changer des trucs ; pas une révolution, mais deux-trois trucs par-ci par-là. Avec de la bidouille, ça va peut-être passer.
- Au milieu : l'allure et le cap sont pas trop mal : si on touche à rien, on devrait plus ou moins continuer dans la même direction, non ?
- Et puis il y a tous les autres, qui proposaient plein de choses. Dommage que les politiciens n'aient pas d'oreilles, ça auraient pu les intéresser.
Finalement, en ne pouvant pas voter, je m'enlève une méchante épine du pied : si insatisfait des candidats, j'aurais de toute évidence voulu voté "blanc", mais mettre le même bulletin que Marine Le Pen, ça m'aurait chagriné au plus haut point. Bref, je ne vais pas voter.
PS : L'admonestation est facile. La réalité est un peu moins stéréotypée, et j'espère les politiques moins fourbes que leurs paroles cafardes. Néanmoins, après cette campagne, la scène politique m'apparaît telle que je la décris.
Faites que je sois pessimiste : allez voter!